Pouvez-vous vous présenter ? Pouvez-vous nous parler de vos études et de votre parcours ?
Mélodie Mô. Je suis comédienne de formation. J'ai étudié au Conservatoire de Paris, où j'ai fait des études de théâtre et de musique. En 2005, je suis arrivée en Bretagne pour un casting et depuis j’y suis restée. J'ai monté une compagnie de spectacle, qui s'appelle la Compagnie Ookai. Très rapidement, je me suis ouverte à d'autres disciplines. En parallèle, j'ai fait une formation d’actrice cascadeuse avec Olivier Schneider, un chef cascade. J'ai par la suite oscillé entre le théâtre et la cascade. J'ai travaillé avec différentes troupes, notamment à Versailles et au château de Chambord, tout en développant mon propre projet en Bretagne, axé sur l'oralité. Ma compagnie présentait des contes, des slams et des récits, souvent accompagnés de mon compagnon qui est peintre, qui dessine, Lorenzo Bello. En 2018, j'ai découvert le slam et je suis devenue vice-championne de France de slam en équipe avec Rennes en 2023. Le spectacle LibrEs ! c’est un mélange de slam, de théâtre et de combat puisque j’y parle de combattantes et le tout accompagné de musique.
Portrait de Mélodie Mô © Christian de Héricourt
Quels sont les sujets qui vous passionnent particulièrement et qui nourrissent votre travail ?
M.M. Les femmes ! Je suis fascinée par les femmes de l'Histoire, souvent invisibilisées mais dont le parcours est riche en rebondissements. Elles ont souvent dû surmonter des obstacles ; on leur a souvent dit “non”, ce qui rend leur histoire passionnante et inspirante. Je me passionne aussi pour le combat : j’ai donc beaucoup de portraits de femmes sportives, de femmes combattantes. Les arts martiaux, c'est vraiment aussi quelque chose qui me nourrit énormément. J'aime explorer comment des femmes combattantes, sportives ou résistantes ont défié les attentes et réalisé des exploits. Allier la voix de l'art du combat avec la voix de l'esprit. Allier ce que l’on pourrait craindre comme de la violence à quelque chose de spirituel, c'est vraiment quelque chose que je recherche que ce soit dans ma vie ou même dans mes textes.
Gurven L’Helgoualc’h sur scène pour « LibrEs ! » © Lorenzo Bello
Le mardi 19 novembre, vous allez présenter votre concert slamé LibrEs ! au Tambour, comment est né ce projet ? Comment s’est passée la collaboration avec Gurvan L’Helgoualc’h ?
M.M. J'ai commencé le slam en 2018. Le slam, c'est un art oratoire qui se pratique très souvent dans des cafés. Ce sont des scènes ouvertes, que l’on appelle aussi des "open mics". C’est ton corps, ta voix, ton texte, en trois minutes. J'ai d’abord commencé avec des textes sur des femmes, que je présentais devant des publics dans des cafés et lors de concours. Un jour, un programmateur d'Avignon, qui avait déjà entendu l'un de mes textes, m'a proposé de participer à un festival sur l'écriture contemporaine féminine. J'ai tout de suite pensé à créer un spectacle complet. Pour enrichir ce projet, j'ai sollicité Gurvan L’Helgoualc’h, un musicien que j'avais rencontré lors de mes expériences théâtrales à Chambord et à Versailles. Nous avons collaboré et travaillé en résidence pendant trois mois. Je lui ai envoyé mes textes, et Gurvan s'est mis à composer très rapidement. Je lui ai donné des indications de musique, d'ambiance, et même de couleur. Lui s'est vraiment renseigné et s’est inspiré des histoires des pays de chaque femme. Il a intégré des éléments musicaux spécifiques : par exemple, pour Bessie Coleman, une aviatrice afro-américaine, il a utilisé des chants de mineurs africains qu'il a enregistrés. Je lui ai également donné une grande liberté pour qu'il puisse s'exprimer, car c'est un multi-instrumentiste ; il possède une multitude d'instruments, guitare, basse, percussions de tous les pays, piano… Il a su marier des sonorités traditionnelles à des arrangements modernes, tout en respectant mon écriture.
Avec LibrEs !, vous sublimez 10 personnalités libres, puissantes et inspirantes de l’Histoire. Comment avez- vous fait la sélection de ces 10 personnalités ?
M.M. Au départ, ma première inspiration a été Jeanne de Belleville, la première femme corsaire de France, que j'admire énormément et que je connais. Ensuite, j'ai élargi mes recherches pour trouver des femmes moins connues mais tout aussi fascinantes. Je voulais des figures au parcours unique, des femmes qui ont surmonté l'adversité pour atteindre leurs objectifs, leurs buts dans leur vie. J'ai découvert Alphonsina Strada, qui est la seule cycliste à avoir fait le Tour d’Italie à vélo. Mes recherches se sont appuyées sur des livres, des ouvrages et des documentaires. J’ai passé de longues heures dans des bibliothèques et des librairies. Mon objectif était de représenter des profils divers et de rendre hommage à leur courage et leur détermination. Je voulais aussi faire quelque chose de très lumineux et positif. Je tenais vraiment à respecter la parole de ces femmes ; les recherches ont donc été très importantes. Je trouvais des biographies, je reprenais leurs mots. Et puis, pour celles qui sont vivantes, comme Lucia Rijker, je leur ai envoyé le texte pour qu’elles le valident. Ce furent de longues heures de recherche et de travail pour leur rendre hommage, tout en respectant leurs paroles.
Mélodie Mô sur scène pour "LibrEs !" © Christian de Héricourt
Vous êtes également la marraine de la 26ème édition du concours d’écriture "Faites court !". Qu’est-ce qui vous a convaincue d’accepter ce rôle et en quoi ce concours résonne-t-il avec vos propres engagements artistiques ?
M.M. Marraine, je trouve ça très beau. Je pense que j'aurais aimé avoir une marraine ou un parrain artistique au début de ma carrière. J’aime l’idée d’apporter du soutien et des conseils. À mes débuts, une comédienne m'a guidée et encouragée. Elle m'a offert son expérience généreusement, et à mon tour, j'ai envie d'aider les gens. Le fait de partager mon expérience et d'aider me tient à cœur. En tant que coach et formatrice en slam et en poésie, j'apprécie d'offrir des conseils et de créer un espace où chacun peut développer sa voix, son unicité et son authenticité.
En tant que marraine, quel message aimeriez-vous transmettre aux participant·es de ce concours d’écriture, notamment à celles et ceux qui se lancent peut-être pour la première fois ?
M.M. Je leur dirais de rester authentiques et de se faire plaisir. Soyez libres. Ce qui est beau dans l’écriture, c’est l’authenticité. Au début, on peut avoir tendance à copier un style ou à vouloir bien faire, mais l’essentiel est d’être sincère, même si cela signifie sortir des sentiers battus. Soyez différents. Faites ce qui est juste pour vous, ce qui est bon pour vous. Dans l’écriture, ce qui est beau, c’est de voir la personnalité. Quand j’ai commencé le théâtre, j’étais très timide. Un jour, quelqu’un m’a dit : « Trouve-toi, toi, et c’est ça qui va plaire ». Et je trouve ça très vrai. Donc, mon conseil, c’est vraiment de se faire confiance et de rester authentique.
Mélodie Mô sur scène pour "LibrEs !"© Christian de Héricourt
En tant que vice-championne de slam de France en équipe 2023, habituée à des performances orales, quels conseils donneriez-vous aux participant·es pour rendre leur texte aussi percutant à l’écrit que peut l’être un slam sur scène ?
M.M. À l'écrit, déjà, je dirais à tous ceux qui vont écrire, peut-être pour le concours : lisez, lisez à voix haute. Lisez votre texte à voix haute, lisez-le à vos amis, lisez-le pour vous, enregistrez-vous. Je pense que c'est super important de voir ce que le texte devient en bouche, s’il peut être reçu par un public. On voit très vite justement les mots enlevés, les tournures de phrases qui peuvent être un peu lourdes, ou au contraire, si le rythme est là. Je pense que quand on lit à voix haute, il y a le rythme de l'écriture, notre rythme à nous, le tout en fait de l'auteur, de l'autrice se révèle. C’est mon conseil, je le fais tout le temps, même si ce n'est pas forcément voué à être sur scène. Je lis tout le temps à voix haute. Et puis sur scène, c'est la même chose. Lire à voix haute, c'est donner de la puissance aux mots, tout de suite les mots prennent vie, on voit ce qui marche, ce qui résonne.
Le thème du concours de cette année, « Nous avons tous besoin que quelqu’un nous regarde », est tiré de L’Insoutenable légèreté de l’être de Milan Kundera. Que vous inspire cette citation, à titre personnel et en tant qu’artiste ?
M.M. Je ne peux qu’être d’accord avec cette citation. En tant qu’artiste, on a le besoin d’être regardé et entendu, c’est fondamental. Être sur scène, c’est partager un message, chercher à être compris et à toucher les autres. Après, tout le monde a aussi ce besoin de reconnaissance, c’est humain. C’est l’une des pires choses que de se voir nier dans son humanité. Ne pas être regardé, ni entendu, c’est quelque chose de très difficile. Je pense que dans notre société, on est de plus en plus sur les réseaux sociaux, justement, à crier ce besoin d’être entendu et regardé par quelqu’un. On a ce besoin, qui semble paradoxalement plus fort que jamais, de se montrer, car nous sommes souvent seuls malgré tout ce flux d’images et d’échanges. Certains pourraient dire que cela relève du narcissisme ou de l’individualisme, mais je pense plutôt que cela révèle une solitude sous-jacente et un besoin d’amour et de connexion. Peut-être cherchons-nous à retrouver cette unicité et ce sentiment de communauté, comme à l’époque où la vie se vivait davantage en tribu, dans un esprit de solidarité et de partage.
Mélodie Mô sur scène pour "LibrEs !"© C de Héricourt
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur l’atelier slam que vous menez avec l’ESS CARGO / la Meufia ?
M.M. Je donne deux ateliers où nous allons travailler sur la création de portraits de femmes inspirantes, pas forcément connues. Nous commençons par des jeux d’écriture et explorons différentes techniques de slam et d’oralité. L’objectif est de guider les participantes dans la création d’un texte personnel qu’elles présenteront à l’oral, le tout dans un cadre bienveillant et sans jugement. Nous allons travailler sur des exercices d’oralité et de corps, et je vais leur enseigner des techniques de slam. Cet atelier est ouvert à toutes, même à celles qui n’ont jamais écrit auparavant.
Propos recueillis par Léa Montézin (Service culturel - Université Rennes 2) en novembre 2024.